Diplomatie : pourquoi la tension diplomatique monte entre la France et le Mali

Un mois après l’arrestation d’un agent de renseignement rattaché à l’ambassade de France à Bamako, Paris a choisi de répliquer. Une source diplomatique a affirmé à l’AFP que deux diplomates maliens ont été « déclarés persona non grata et ont jusqu’à samedi (20 septembre) pour quitter le territoire ».

La coopération en matière antiterroriste, qui perdurait malgré le départ des troupes françaises à la fin de l’opération Barkhane – dix ans d’échec stratégique – a elle aussi été suspendue.

Mais la raison invoquée dans cette nouvelle étape de la crise diplomatique est l’arrestation, le 14 août dernier, d’un agent du « service de renseignement français », Yann V., accusé de « tentative de déstabilisation ». Ce dernier est officier de renseignement de la direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE), affecté à l’ambassade de France au Mali, et à ce titre, dûment accrédité par les autorités maliennes.

Il opérait notamment dans le cadre de la coopération sécuritaire. Le même jour, deux hauts gradés de l’armée malienne ainsi que plusieurs autres soldats avaient également été arrêtés pour le même motif.  Le régime d’Assimi Goïta, comme de nombreux autres dirigeants issus de coups d’État militaires, vit dans la crainte permanente d’un nouveau putsch.

Si la tension monte, l’ambassade de France n’est pas fermée et les négociations ne sont pas rompues quant à la libération de l’officier de renseignement français. Mais son arrestation va à l’encontre des usages : selon la source diplomatique française, « Le Mali viole délibérément une des règles les plus fondamentales du droit international, s’agissant d’un agent diplomatique dûment accrédité par les autorités maliennes.

Face à un acte d’une telle gravité et d’une telle hostilité, la France a décidé de suspendre la coopération avec le Mali dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans ce pays à laquelle contribuait jusqu’à son arrestation l’agent qui a été arbitrairement arrêté. »

Les autorités maliennes, dirigées par le général Assimi Goïta depuis le coup d’État d’août 2020, ont répliqué en intimant à cinq autres diplomates français, également en poste à l’ambassade de France à Bamako, de quitter le territoire.

Il est en effet à craindre que le choix de la tension – de la « fermeté », en langage diplomatique – ne porte pas ses fruits. La crise avec l’Algérie, et tant d’autres avant elle, montre que l’on obtient rarement des résultats autrement que par la négociation.

La détérioration des relations entre les deux pays ne date pas d’hier. Mais au contraire de son voisin et allié, le Burkina Faso, avec qui la rupture est nette et les échanges au point mort, la coopération sécuritaire était maintenue avec le Mali, engagé comme les pays du Sahel dans une « guerre contre le terrorisme » face aux groupes armés djihadistes ; notamment le GSIM et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans.

Quoique discrète, cette coopération – qui n’est que suspendue – consiste notamment à la fourniture de renseignements et à l’assistance technique. Et ce même si le Mali s’est tourné vers la Russie pour l’assister dans sa lutte contre les groupes terroristes. Une lutte entachée de nombreux massacres de civils peuls, ethnie visée car soupçonnée de complicité avec les groupes armés.

L’Humanité

Benjamin König